La robe d’avocat, un moyen pour se travestir ? Symbolique du costume d’audience.

Article établi en octobre 2021

 

L’institution judiciaire n’échappe pas aux symboles parce que sa place dans l’organisation de la société exige une reconnaissance immédiate.

 

Thémis, déesse grecque et femme de Zeus, symbolise la puissance et l’équilibre de la Justice.

Placée à la droite du trône de son époux, elle est représentée avec un glaive à la main, symbole du châtiment, une balance dans l’autre pour l’équilibre qu’elle cherche à instaurer et les yeux bandés en signe d’impartialité étant étrangère aux influences extérieures. Les plateaux de sa balance ne sont jamais au même niveau parce que la Justice, ce n’est pas l’égalité.

 

L’audience a aussi ses codes, la robe d’avocat doit y répondre.

Elle a la forme d’une soutane. Elle est d’un noir profond. Pour représenter dignité et puissance, son origine religieuse est recherchée. Le calot de l’avocat que les anciens portent encore en audience solennelle est strictement identique à celui du curé de la religion catholique. La robe est même fermée par 33 boutons, âge du décès du Christ, pour ne jamais oublier que la Justice divine gouverne celle des hommes et qu’à tout le moins le décalogue du livre de l’Exode doit être une référence permanente.

Ne fermer que les premiers boutons de la robe, symbolise la synthèse du spirituel et du temporel, les fermer tous c’est s’interdire de donner une dimension divine à la défense et considérer la robe comme une armure en repoussant toutes les sollicitations extérieures.

Sous l’Ancien Régime, la noblesse de robe ne pouvait en effet se concevoir sans autorité religieuse. Elle devait rester son vassal.

A cette époque, la robe était ornée de deux rabats blancs pour symboliser la soumission d’une part à Dieu et d’autre part au Roi. Depuis la Révolution française, la robe n’a qu’un seul rabat et représente la soumission à la Loi.

L’épitoge, étoffe trapézoïdale, est garnie à son extrémité de deux étages d’hermine, voire trois pour les Docteurs en droit. Le premier étage symbolise la licence en droit et le second le diplôme d’avocat.

Cette épitoge est sur l’épaule gauche car le droit ne doit jamais être loin du cœur, symbole de l’équité.

En signe de combativité, elle est toujours portée en arrière et jamais sur le devant comme le duelliste que rien ne doit protéger de l’épée ou de la balle de son adversaire. La parole est la seule arme de l’avocat. C’est elle qui doit gagner.

Les avocats parisiens portent une robe dépourvue d’hermine. L’épitoge est dite « veuve ». Cette singularité est historiquement incertaine. Certains affirment que les avocats parisiens auraient coupé les rangs de fourrure de leur robe pour porter le deuil de Malesherbes avocat guillotiné le 22 avril 1794 pour avoir défendu Louis XVI.

La défense est une et entière, chaque avocat est l’égal de son confrère quel que soit son parcours et son âge. La neutralité est une exigence de sorte que, sur la robe, aucun signe extérieur ne doit différencier les avocats entre eux, même si certains sont titulaires de distinction professionnelle (bâtonnier, membre du conseil de l’ordre…). Porter la robe c’est être humble.

La République accepte désormais le port des insignes de la Légion d’honneur, de l’Ordre du Mérite et des Palmes Académiques. Le débat a été, en son temps, difficile.

Plus pragmatiquement, la robe est aujourd’hui un signe de reconnaissance, un indice explicite pour le tribunal, permettant de différencier en un coup d’œil l’avocat de son client. La profession reste très attachée à ce formalisme. Il résiste bien aux assauts d’un modernisme empreint d’américanisme pour qui le costume d’audience serait une contrainte vestimentaire inutile.

La robe protège l’avocat et elle permet de l’audace par le rôle qu’elle exige de jouer. Elle permet aussi, en la retirant, une fois le combat judiciaire terminé avec des joutes oratoires parfois rudes de symboliser le dépôt des armes.

La confraternité est une émanation de la camaraderie.

Toujours est-il que ces considérations sont bien vaines. C’est Sacha Guitry, qui est le seul à avoir percé le secret de la symbolique de la robe en affirmant que « si les avocats portent une robe c’est pour savoir mentir comme les femmes ».

La misogynie légendaire de cet auteur ne doit pas occulter que s’il veut rester crédible, l’avocat doit s’abstenir de tout mensonge puisqu’il ne fait qu’analyser une vérité nécessairement incertaine pour être soumise au débat contradictoire.

 

 

 

Audiences filmées : un cadre flou qui mériterait une mise au point

Les audiences en présence du juge, au tribunal, devraient-elles filmées ? Ce sujet, inscrit dans la Loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, est en ce moment débattu au Parlement. Son objectif est de mieux faire connaître le fonctionnement de la justice auprès de citoyens souvent intéressés mais perdus par la complexité de l’institution.
L’intention est sûrement bonne, mais cette loi heurte les principes constitutionnels collectifs et individuels : le principe de publicité des débats et le droit à l’information, avec celui du respect de la vie privée, la présomption d’innocence et le droit à l’oubli. Si une transparence de la justice est toujours souhaitable, rendre publiques des données personnelles, même obtenues par consentement explicite des concernés, est une réelle difficulté. A une époque où le lynchage médiatique est devenu fréquent, il est nécessaire de protéger le justiciable du couperet de l’opinion publique.